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Je me souviens encore de cet album photo que mes parents m'avaient offert quand j'étais petite. Dessus, il y avait un pont couleur rouille qui surplombait une mer bien bleue. J'avais demandé à ma mère si ce lieu existait et elle m'avait répondu : "Oui, c'est San Francisco." Combien de fois ai-je contemplé cette couverture machinalement ?
Les années ont bien passé et je me retrouve à créer un tableau de vision. J'ai entendu dire qu'en collant des images qui nous plaisent, en les fixant au quotidien et en ressentant le plaisir que cela nous procure, nous pouvons attirer des situations rêvées dans nos vies. Sur mon tableau, j'ai collé plein d'images comme des dauphins qui nagent dans l'océan car j'aimerais les voir, être à leur contact et puis, j'ai aussi ajouté des images de lieux où j'aimerais aller : le Pérou, l'Inde, ce fameux pont de San Francisco, le Golden Bridge, et surtout le Mont Shasta avec son lac... Dans le livre Les 7 flammes sacrées d'Aurélia Louise Jones, ma "bible" que je ne cesse de relire, il est écrit que ces derniers lieux ainsi que Sacramento en Californie sont des espaces vibratoires importants. J'aimerais y aller, ne serait-ce que pour sentir ce qui s'y passe même si je n'y perçois pas de temples "magiques". Bien sûr, je n'ai pas vraiment l'argent pour y aller, je ne parle pas bien anglais et je n'ai personne pour m'accompagner sur ce type de voyage.
Quelques mois plus tard, je regarde le site d'une amie coach spirituelle. En passant par hasard sur sa catégorie "stages initiatiques", je découvre qu'elle organise un voyage en Californie... au mont Shasta... OMG ! Le voyage est cher, très cher... Que faire ?! Je ne peux pas laisser passer une occasion comme celle-là... Je l'appelle et je découvre qu'il ne reste plus qu'une seule place... Quelques jours plus tard, à force de parler de mon enthousiasme pour ce voyage, une aide financière me tombe du ciel (merci, merci). Je rappelle fissa mon amie et nous nous exclamons de joie au téléphone à l'idée de partager ce beau voyage ensemble. Je parviens à faire mon passeport pile à temps. C'est la première fois que je vais prendre l'avion. 12h30 de vol dans le tout nouveau A380, moi qui avais toujours dit : "L'avion ? JA-MAIS !", me voilà bien obligée de sortir de ma zone de confort et de surpasser ma peur.
Pendant les quelques semaines avant de partir, je me sens emprisonnée dans ma vie, comme si je n'étais pas libre d'être et faire ce que je souhaite. Ce sentiment, je le trouve pénible et je me sens très seule. Je fais beaucoup de méditations pour essayer de débloquer cette vie qui semble avancer lentement. J'ai des visions de geôles. J'entends : "Alcatraz. Alcatraz." Quand je m'éveille, je me dis : "Hum, c'est quoi déjà Alcatraz ? Ce nom me dit quelque chose..., ce ne serait pas le nom d'une prison ? Je crois avoir vu ça dans un film."
San Francisco. C'est ici que notre voyage initiatique commence. L'avion atterrit dans un bon gros choc contre le sol. Il nous secoue et nous réveille, nous qui sommes tout engourdis par une journée de vol... Je me souviens avoir la sensation de tanguer encore le lendemain soir à cause du "jetlag". A San Francisco, le soleil perce tranquillement à travers les nuages gris pour chasser le vent bien frais, presque froid, qui nous fouette le visage et fait voler toutes sortes de drapeaux (car là-bas, il y en a beaucoup). Le guide français nous amène à Twin Peaks, sur un point de vue en hauteur, admirer la ville et ses collines avec ses rues sinueuses. Nous faisons une halte devant la maison bleue qui a inspiré Maxime Le Forestier pour renouer avec un instant de poésie et j'imagine le chanteur écrire son célèbre texte en regardant cette maison au quotidien. Puis, nous partons sur les quais pour manger à Bubba Gump. Un autre clin d'oeil artistique... "Cours Forrest, cours !" Vous souvenez-vous de Bubba Gump ?
Je ne pourrais jamais décrire parfaitement cette sensation que j'ai lorsque je découvre les quais 39. Ce n'est qu'en sortant du restaurant que je commence à réaliser... : ça y est, j'y suis, je suis en Californie. Je suis aux States, je suis de l'autre côté de l'océan Atlantique, bon dieu ! Je n'ai jamais senti une liberté aussi grande et les airs de musique qui rendent les ruelles si joyeuses m'emportent dans une sphère de bonheur à l'état pur. J'ai l'impression qu'une bride lâche, que je suis à la maison et j'ai envie de courir le long de toute la rue commerçante, les bras en l'air, en hurlant "Youuuupiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii". Les quais 39 sentent la vie, les odeurs de cuisine, de sucre, de gourmandises... et puis la mer aussi. Les otaries viennent se reposer sur les pontons dédiés aux bateaux de croisière qui partent dans la baie naviguer sous le pont de San Francisco. Le guide nous précise bien : "Faites attention quand vous criez "Oh regarde les phoques !"". Il nous fait comprendre que "phoque" et "fuck" ont à peu près la même sonorité pour les Américains mais certainement pas le même sens ! Le guide ajoute soudainement : "Je sais que ce n'est pas prévu dans votre programme mais j'aimerais vous proposer de naviguer au sein de la baie pour faire le tour d'Alcatraz. Avec un peu de chance, vous pourrez voir des dauphins. Il y a parfois des baleines qui viennent aussi ici. Qui est partant ?". MOI MOI MOI, MOIIIIIIIIII. Alors, Alcatraz, ça existe ? C'est en Californie, c'est ici ??????!!!!
Nous voilà tous sur le bateau de croisière... Certains le savent, j'adore les bateaux... Peut-être parce qu'il y a du sang de marins dans ma famille... Nous passons sous le Golden Bridge, une fois, deux fois... Je le vois sous toutes ses coutures, paré de sa couleur rouille, et je ne peux m'empêcher de penser à mon petit album photo qui attend sagement dans ma chambre en France. Jamais je n'aurais pensé le voir en vrai... Soudainement, mon corps frisonne et je sens la présence des dauphins sous l'eau. D'un coup, il me vient : "Ils sont là". Pourtant, je ne vois rien...
Le bateau fait demi-tour et nous dévoile de loin la prison d'Alcatraz... Alors... c'est ça... "Alcatraz" ? De loin, ça ne paie pas de mine mais il parait que les conditions y étaient très rudes pour les prisonniers à l'époque. Aujourd'hui, une partie est protégée par des bâches car on y prépare des tournages. Face à cet îlot, j'ai l'impression que quelque chose en moi veut juste sortir. J'entends comme une voix qui jubile d'être à l'extérieur de ces murs. Elle rit. J'ai comme un goût de revanche dans la bouche. Je sens comme un "clac" dans ma gorge. Est-ce une partie de moi, une mémoire, qui s'évade pour le meilleur ? Tout ce que je sais, c'est que j'ai vraiment la sensation de connaitre ces lieux, d'avoir vécu dans ce pays durant "un autrefois" qui vient d'Ailleurs. Je suis là, "à nouveau" et je savoure comme jamais ma liberté. Est-ce la première fois que je prends conscience de sa puissance ? Allez savoir... Je me souviens alors d'un photographe d'aura que j'avais rencontré, il y a un an. Il m'avait dit : "Tu vas partir faire un voyage au loin bientôt, au-delà de l'océan, et il y aura un avant et un après." Il ne s'était pas trompé. Je rentrerai en France, libre dans ma tête et cet état d'être n'a pas de prix.
Puis à nouveau, je ressens encore ce frisson. "Ils sont là, ils sont là". Tout à coup, je perçois leur silhouette au loin. Je peux alors observer, ravie, tout un banc de dauphins et leurs ailerons qui dépassent des vagues. Je bouscule une camarade et lui indique où regarder en pointant du doigt. Nous nous extasions devant le spectacle. Quelle chance... Je suis en joie.
Lorsque nous descendons du bateau, nous nous rendons compte que nous sommes les seules à avoir aperçu les dauphins. Qui sait, que pourtant, je n'étais pas discrète avec mes "Ohhhh regarde, là-bas !!!! Wawwww !" Nous concluons cette première balade marquante par la visite du musée du pont de San Francisco et j'y découvre alors des ouvrages sur Alcatraz. Je parviens à traduire en lisant les derrières de couvertures des livres de la boutique que la prison a reçu, depuis sa fermeture, plusieurs visites de médiums et de curieux, venus fréquenter ces lieux pour y voir les fantômes des anciens prisonniers qui hanteraient, soit-disant, la prison dans laquelle certains phénomènes paranormaux auraient été observés plusieurs fois. On dirait que je ne suis pas venue ici pour rien...
Demain, nous quitterons San Francisco pour se diriger vers le Mont Shasta et Sacramento, capitale de la Californie, partagée entre la modernité et l'univers des westerns, encore teintée par la ruée vers l'or... Je reviendrais à San Francisco pour finir de profiter de l'ambiance dans les rues, de la vision des buildings quand je bois mon café, la tête en l'air, puis faire un tour de cabble-car, ce métro typique qui descend les rues en pente de la ville et visiter China Town avant de décoller pour la France, de nuit, voyant s'éloigner l'Amérique qui se pare de tous ces bijoux pour me dire au revoir. La France, à mon retour, je la trouverai incroyablement petite, parfois étriquée même, mais belle aussi, avec ses airs "franchouillards"et son bon Français qui patiente avec son café, son croissant et son journal à la main, le menton baissé comme si chacun était recroquevillé sur son propre monde.
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